Lettre ouverte à Monseigneur Minnerath, archevêque de Dijon

mardi 29 juin 2021


Lettre ouverte à Monseigneur Minnerath , archevêque de Dijon
Ne remettez pas en question ce qui a été, une fois pour toutes, approuvé par la plus haute autorité de l’Eglise, en la personne du pape saint Jean-Paul II, en 1988, ce qu’a ensuite confirmé le pape Benoît XVI par son « Motu proprio Summorum Pontificum »



Monseigneur,

Tertullien, un des premiers écrivains chrétiens, rapporte ce que des non-chrétiens, des païens, disaient des disciples de Jésus qu’ils voyaient vivre au milieu d’eux et qui subissaient des persécutions : « Voyez comme ils s’aiment, voyez comme ils sont prêts à mourir les uns pour les autres » De fait, vous le savez mieux que , la mission de l’Église implique un témoignage, source de rayonnement (cf. Encyclique Redemptoris missio, n. 26). C’est ce qui se passait au début du christianisme, quand les païens, écrit Tertullien, se convertissaient en voyant l’amour qui régnait entre les chrétiens : « Voyez – disent-ils – comme ils s’aiment » (cf. Apologétique, n. 39 § 7). Le Seigneur Lui-même nous l’a dit en effet : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. » (Jean 13, 35).

Peut-on dire que votre récente décision de mettre un terme à 23 ans de présence de la FSSP dans votre diocèse de Dijon, en dépit de tout le dévouement et de la loyauté constante des prêtres de cette Fraternité à votre égard, soit une juste application de ce principe évangélique majeur ? C’est une question qui nécessairement se posera à vous.

Certes, ces prêtres ne célèbrent la sainte Messe que selon le rit dit extraordinaire, tout comme le Padre Pio en son temps, tout comme tant de saints du passé. Ils le font conformément à leur Constitution de 1988, dûment approuvée par le Saint-Siège, sous le Pontificat de saint Jean-Paul II. Mais s’ils étaient en tous points identiques à ce que vous êtes et promouvez- la célébration de la Messe selon le rit dit ordinaire et la concélébration- quel mérite auriez-vous à leur offrir votre paternelle protection et sollicitude ? C’est en cela seul qu’ils sont différents, tout en étant pleinement dans l’unité et le sein de l’Eglise catholique, apostolique et romaine, que résident le mérite et la charité de les accepter, en réalité pour le Bien commun de toute l’Eglise et votre propre sanctification.

Il me revient une belle homélie de la Paroisse Combs-la-Ville, dont voici quelques extraits : « quel témoignage que de voir des frères et sœurs chrétiens unis par la charité fraternelle alors qu’ils n’ont a priori rien pour s’entendre, qu’ils peuvent être de milieux divers, d’opinions diverses ou, tout simplement, ne pas avoir « d’atomes crochus » ! Devant ce témoignage, en effet, on est poussé à se dire : « Voyez comme ils s’aiment ! Sans le Seigneur, c’est inexplicable. Sans lui ça ne pourra pas tenir. »

La charité, l’unité est donc un signe de la présence de Dieu au milieu de nous. À l’inverse, la division ne vient pas de Dieu. Jamais. Elle vient du Diviseur, et « diviseur » en grec, cela se dit « diabolos ». La division est le propre du diable. Quand, loin de travailler à la communion par la charité fraternelle, nous semons la division, nous faisons l’œuvre de diable, et nous produisons un contre-témoignage. Nos divisions internes sont un scandale ! Frères et sœurs, il nous faut choisir résolument de ne jamais être des artisans de division, mais plutôt des artisans d’unité. Sans cela, aucun témoignage missionnaire n’est possible ! »

Allant dans le même sens, le théologien jésuite Bernard Sesboüé a dit « Un trait incontestable de la présence du péché dans l’Église est la division des chrétiens. Aux tout premiers siècles de l’Église, les païens pouvaient dire des chrétiens : « Voyez comme ils s’aiment » et ce témoignage valait toutes les propagandes. La foi chrétienne s’est largement répandue à l’époque par le bouche-à-oreille des artisans et des commerçants à partir des grands ports de la Méditerranée. Très vite cependant, les communautés chrétiennes ont connu des tensions qui ont conduit à des ruptures. L’histoire des divisions et des schismes dans l’Église est le contre signe par excellence de la vocation de l’Église qui est de rassembler les hommes dans l’unité pour laquelle Jésus a prié. »

Alors, Monseigneur, soyez charitable, soyez un Père aimant, ne soyez pas du nombre des diviseurs. « L’amour supporte tout » (1 Co 13, 7) nous dit saint Paul dans son admirable hymne à la charité. Mère Teresa aimait à rappeler que l’amour fait mal. L’amour est crucifiant. » en continuité avec l’homélie précitée de la Paroisse Combs-la-Ville.

Ne remettez donc pas en question ce qui a été, une fois pour toutes, approuvé par la plus haute autorité de l’Eglise, en la personne du pape saint Jean-Paul II, en 1988, ce qu’a ensuite confirmé le pape Benoît XVI par son « Motu proprio Summorum Pontificum » en 2005, pour le plus grand bien de toute l’Eglise. Or ce Motu proprio n’exige pas, même s’il ne l’exclut pas non plus, des prêtres qu’ils célèbrent habituellement selon le nouvel ordo de la Messe, qu’ils concélèbrent, avec l’évêque et les prêtres du diocèse, pour pouvoir bénéficier des mesures qu’il prévoit.

L’Eglise catholique a suffisamment d’ennemis pour ne pas y ajouter des divisions et des querelles supplémentaires, des querelles qui paraissent d’un autre temps. L’union et l’unité, dans la diversité reconnue, sont plus que jamais nécessaires. En ce sens, renvoyer, à titre d’argument, au dispositif qui avait présidé à l’installation de la Fraternité Saint Pierre en votre diocèse de Dijon il y a 23 ans de cela, n’est ni probant, ni crédible, ni audible aujourd’hui. L’Eglise n’a plus ni les effectifs de prêtres et de fidèles, ni les moyens d’alors.

La bonne entente entre les différents courants de l’Eglise du Christ est devenue, plus que jamais, une impérieuse nécessité, une exigence incontournable dans une France de plus en plus marquée par l’apostasie, l’agnosticisme, voire parfois l’hostilité : on le voit notamment par les hélas nombreux actes de vandalisme et les actes sacrilèges commis dans les églises de notre Pays. L’unité dans la diversité sera bientôt une des conditions de la survie de l’Eglise de France. Cette bonne entente, cette unité dans la diversité ne peuvent signifier uniformité et abandon des Constitution des Fraternités Ecclesia Dei, ayant reçu le plein accord du Saint-Siège de Pierre, sous les pontificats de saint Jean-Paul II et Benoît XVI. L’unité, c’est l’unité de la foi, pas celle des rites. L’Eglise du Christ, déjà très fragilisée en France et en Europe, a aujourd’hui besoin de rassembler ses forces, pas de se diviser.

La présente lettre qui est l’expression d’un cri et d’une souffrance, la mienne comme celle de milliers de catholiques de France, en prenant connaissance de votre décision de mettre un terme à 23 ans de présence de la FSSP dans votre diocèse de Dijon, se veut donc optimiste. Nul n’est à l’abri d’erreur et de péché, l’essentiel étant, vous le savez, de savoir les reconnaître et de les réparer. Vous qui avez su avoir de belles et heureuses initiatives, telle celle de faire revivre le sanctuaire de l’Enfant Jésus de Beaune, vous que j’ai entendu avec bonheur en ce lieu béni, sachez, avec la simplicité de l’Enfant Jésus, suivre pleinement l’enseignement de Notre-Seigneur et témoigner auprès de vos frères de la FSSP, qui sont vos frères dans la foi et le Sacerdoce, qui comptent donc parmi les préférés du Christ et de la Vierge Marie : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples. » (Jean 13, 35).

Guy Barrey
responsable du site Pèlerinages de France
Auteur de « Pèlerinages de France », « Publie ma gloire, paroles de la Vierge Marie » et, en janvier 2021, « Marie dans la mission de Jeanne d’Arc », préfacé par Mgr Luc Crépy.


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